Qui sont ces serpents qui sifflent sur la Moselle ?
Les serpents ne laissent personne indifférent. S’ils suscitent une peur irrationnelle chez les ophiophobes, ils fascinent également de plus en plus de monde, à tel point qu’il n’est plus rare de voir quelques couleuvres, un python ou un boa évoluer dans un vivarium au sein d’un foyer.
Ces réactions contradictoires s’expliquent en partie par la forte présence du serpent dans la culture occidentale. Vénéré dans l’Antiquité par les Grecs et les Romains, le serpent est devenu par la suite une figure diabolique dans la religion chrétienne, afin de rompre avec les cultes païens.
En devenant le mal absolu dans l’imaginaire chrétien, en forçant Ève à croquer dans le fruit interdit et en poussant ainsi les Hommes hors du Jardin d’Éden, le serpent s’est vu affublé d’une image peu glorieuse.
Afin de redorer le blason de ces mal-aimés à la langue bifide, voici un petit tour d’horizon sans prétention des trois espèces dont la présence est avérée sur le territoire mosellan.
La coronelle lisse
Nom scientifique : Coronella austriaca (Laurenti, 1768)
Taille : rarement plus de 60cm pour un adulte, une vingtaine de centimètres à la naissance.
Description : aspect fin et élancé, la tête est bien distincte du cou. La couleur de fond est grise chez les juvéniles, brun-rouge chez les adultes. Des tâches plus foncées sont présentes par paires tout le long du dos. Cette couleuvre est souvent confondue avec la vipère.
Son nom de genre Coronella fait allusion à la marque sombre située à l’arrière de la tête du serpent et qui ressemble à une couronne (Ksas, 2015 : 100). Cela ne vous rappelle rien ? Le mot corona signifie « couronne » en latin, on retrouve également ce mot dans le nom Coronavirus quidésigne de fameux virus ressemblant à des couronnes.
Répartition : cette espèce se rencontre sur l’ensemble de la Moselle et est présente dans des milieux secs et ouverts comme des carrières et à la lisière des forêts.
À savoir : dérangé, ce serpent prend alors la fuite vers la cachette la plus proche, le plus souvent un pierrier. Il arrive toutefois que le reptile reste totalement immobile, pour ne pas se faire repérer.
C’est lorsqu’on cherche à saisir l’animal qu’une morsure peut survenir. La couleuvre peut également se dresser en « S », secouer la queue et souffler. Il s’agit là de ses seuls moyens de défense car ce serpent est totalement inoffensif pour l’homme. La morsure peut tout au plus faire saignoter une main aventureuse.
Cette couleuvre se nourrit de lézards, y compris d’orvets, de rongeurs et parfois même d’autres serpents comme des vipères juvéniles.
Les adultes se reproduisent au printemps. Ovovivipare, la femelle donne naissance 3 mois plus tard à un groupe de 4 à 15 jeunes.
La couleuvre helvétique (anciennement couleuvre à collier)
Nom scientifique : Natrix helvetica (Lacépède, 1789).
Taille : entre 70 et 90cm pour un mâle, rarement plus de 120cm pour une femelle même si des tailles au-delà de 150cm sont mentionnées (Renner, Vitzthum, 2014 : 210). Il s’agit du plus gros serpent mosellan.
Description : couleur de fond brun à vert olive avec des tâches sur les côtés. La tête est bien distincte du cou et les écailles sur cette dernière sont bien larges. À l’arrière de la tête, une bande jaune claire suivie d’une bande noire forme le fameux « collier » sous-entendu dans le nom commun de l’animal. Des tâches noires verticales séparent les écailles situées entre l’œil et la gueule du serpent.
Répartition : cette espèce se rencontre sur l’ensemble du territoire mosellan dans des milieux très variés, souvent à proximité d’un point d’eau. Le nom de genre Natrix désigne en latin des serpents aquatiques et vient du mot natator qui signifie « nageur » car cette couleuvre est très à l’aise dans l’eau (Ksas, 2015 : 149-150).
À savoir : dérangée, la couleuvre helvétique cherche en premier lieu à fuir. Si cela lui est impossible, elle dégage par ses glandes cloacales une odeur de poisson pourri puis fait la morte en se retournant et en ouvrant la gueule. On appelle cela la thanatose.
L’alimentation de la couleuvre helvétique est principalement constituée de batraciens et de poissons.
Les accouplements ont lieu dès avril et peuvent aussi se dérouler en automne car la femelle est capable de stocker le sperme du mâle pour l’année suivante.
Ovipare, ce serpent pond jusqu’à trente œufs dans un pierrier, un tas de végétaux ou un talus. Les jeunes naissent deux à trois mois plus tard.
La vipère aspic
Nom scientifique : Vipera aspis aspis (Linnaeus, 1758).
Taille : de 50cm jusqu’à 80cm pour les plus grandes femelles. 20cm pour les juvéniles.
Description : l’iris est jaune, la pupille est verticale. La vipère présente un corps d’aspect boudiné avec une queue courte. Le museau est retroussé et la tête ne présente que des petites écailles. La couleur de fond est variable, certains animaux sont gris, d’autres bruns ou rouges. Enfin, le dessin du dos est formé par des tâches noires en forme de « zigzag » ou d’échelons.
Répartition : la vipère aspic est présente de façon morcelée dans notre département, uniquement sur la rive gauche de la Moselle. Contrairement à ce que les croyances populaires laissent penser, ce serpent ne sort pas en plein cagnard. Les bains de soleil ont lieu le plus souvent en matinée.
Ce serpent se rencontre dans des milieux ouverts et secs comme des carrières ou des pelouses calcaires. Parmi les trois espèces présentes dans notre département, la vipère aspic est très clairement la plus rarement rencontrée.
À savoir : lorsqu’on s’approche d’une vipère, celle-ci ne cherche pas systématiquement à fuir et peut rester immobile un long moment. Une morsure n’aura lieu que si on cherche à tenir l’animal à pleines mains ou si on lui marche dessus.
Les accouplements ont lieu vers le printemps (fin mars) et parfois à l’automne. Le nom de genre Vipera est une contraction du mot latin vivipara qui signifie vivipare car ces serpents ne pondent pas d’œufs (Ksas, 2015 : 239). Après 2 à 5 mois de gestation, la femelle met au monde les vipéreaux. Les portées vont de quelques individus à plus d’une dizaine de serpenteaux.
Les vipères se nourrissent de rongeurs et de lézards. Le venin est utilisé pour tuer les proies car ces serpents ne pratiquent pas la constriction. Il est donc important pour les serpents de conserver un stock de venin pour se nourrir, c’est pourquoi lors des morsures de défense, le reptile n’injecte pas toujours son venin. On appelle cela une morsure sèche.
Différencier les couleuvres et les vipères
Si pour les naturalistes en herbe, différencier une couleuvre d’une vipère s’avère plutôt aisé, il n’en est pas de même pour les profanes. Les pièges liés aux idées reçues ne sont d’ailleurs pas là pour les y aider.
La tête triangulaire que l’on associe souvent aux vipères n’est pas un bon critère car les couleuvres sont capables d’aplatir leur tête ce qui lui donne un aspect triangulaire.
Pour différencier ces reptiles à partir de leur tête, il faut regarder le bout du museau : celui de la vipère est systématiquement retroussé. Si l’on a une bonne vue, l’on remarquera également que les écailles sur le dessus de la tête d’une vipère sont petites contrairement à celles d’une couleuvre. Enfin, pour les plus fins observateurs, les vipères ont une pupille verticale en « I » tandis que les couleuvres ont une pupille ronde en « O » (Serre Collet, 2016 : 90).
Notons également que la vipère présente un aspect plus boudiné que les couleuvres ce qui est accentué par sa queue épaisse et courte, quand celle des couleuvres est fine et effilé.
Ces critères ne sont valables qu’en France métropolitaine (si l’on excepte le cas de la couleuvre de Montpellier). Par exemple les mambas, serpents africains vifs dont le venin est très toxique, ont des pupilles rondes et de grosses écailles sur la tête. Tout comme les cobras …
Enfin il convient de rappeler que lorsque vous croisez un serpent dans la nature, le mieux est de le laisser tranquille, ce dernier ne vous attaquera pas de lui-même. L’Arrêté du 19 novembre 2007 interdit d’ailleurs la capture ou la destruction des reptiles français.
TEXTES ET PHOTOS : Adrien FARESE
Pour aller plus loin (bibliographie)
RENNER Michel, VITZTHUM Stéphane. 2014. À la découverte des amphibiens et reptiles de Lorraine et d’Alsace. Les éditions du Quotidien. 276 p.
KREINER Guido. 2007. The snakes of Europe. Édition Chimaira. 324 p.
KSAS Rémi. 2015. L’étymologie des noms latins des serpents. Venom World éditions. 294 p.
SERRE COLLET Françoise. 2016. Dans la peau des serpents de France. Éditions Quae. 148 p.
SERRE COLLET Françoise. 2019. Légendes de serpents. Éditions Delachaux et Niestlé. 256 p.